LA RADIOTHERAPIE
En quoi la radiothĂ©rapie peut- elle permettre de soigner les cancers tout en prĂ©sentant des risques d’effets secondaires ?

I) les rayonnements ionisants

1) Les différents types de rayons ionisants utilisés en radiothérapie.

Les appareils utilisés en radiothérapie peuvent délivrer plusieurs types de rayonnements ionisants.
Ils peuvent Ă©mettre:

  1. des particule:
    • α (alpha) : particule chargĂ©e composĂ©e de deux protons et de deux neutrons. Il s’agit d’un noyau d’atome d’hĂ©lium.
      Son pouvoir de pénétration demeure trÚs faible mais elle est fortement ionisante.
    • ÎČ- (bĂ©ta) : particule chargĂ©e nĂ©gativement puisqu’il s’agit d’un Ă©lectron. Son pouvoir de pĂ©nĂ©tration dĂ©pend de sa vitesse d’émission.
    • neutron : particule non chargĂ©e qui peut pĂ©nĂ©trer profondĂ©ment dans la matiĂšre.
    • proton : particule chargĂ©e positivement qui endommage trĂšs peu les tissus traversĂ©s avant la tumeur. Lorsqu’ils sont utilisĂ©s,
      on parle de protonthérapie.

    L’énergie cinĂ©tique de ces particules se calcule avec la formule suivante :
    formule de l'energie cinetique







    Remarque 1 : Certaines particules sont obtenues Ă  partir de la dĂ©sintĂ©gration d’élĂ©ments radioactifs ou radioĂ©lĂ©ments, produits ou naturels. C’est le cas par exemple de l’iode 131 qui en se dĂ©sintĂ©grant Ă©met dans un premier temps un rayonnement de type ÎČ- :
    equation exemple








    Remarque 2 : Un autre type de particules est actuellement en cours de test : les ions carbone. Un centre spécialisé en carbonethérapie (hadronthérapie) pourrait prochainement ouvrir ses portes à Lyon : le centre Etoile.

  2. Des ondes électromagnétiques
  3. Il peut s’agir de rayons Îł (gamma), X ou de photons. Leur longueur d’onde ? courte leur confĂšre une Ă©nergie trĂšs importante et un pouvoir de pĂ©nĂ©tration dans les tissus pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de centimĂštres. Ces ondes n’ont ni masse ni charge. Leur Ă©nergie se calcule avec l’une des deux formules suivantes :
    formule de l'energie











    2) Ionisation et absorption d’énergie par des atomes cibles soumis Ă  des radiations.

    Principe gĂ©nĂ©ral : L’ionisation survient lorsque des rayonnements incidents transfĂšrent assez d’énergie Ă  des atomes cibles pour leur arracher un ou des Ă©lectrons. Les atomes privĂ©s de certains de leurs Ă©lectrons se trouvent alors chargĂ©s positivement tandis que d’autres atomes voisins accueillent ces Ă©lectrons et se chargent nĂ©gativement. On assiste ainsi Ă  la formation d’ions positifs et nĂ©gatifs. Des rayonnements capables de provoquer de telles rĂ©actions sont dits ionisants.

    Quels phĂ©nomĂšnes physiques sont observĂ©s lorsqu’un atome cible est soumis Ă  une radiation ?

    â–șIonisations envisagĂ©es lors d’une interaction « photon – matiĂšre (atome cible) »

    ïŹL’effet photoĂ©lectrique

    L’effet photoĂ©lectrique dĂ©signe l’émission d’électron(s) par un atome soumis Ă  des photons dont l’énergie apportĂ©e (EI = h nu) dĂ©passe l’énergie de liaison (EL) de l’électron au noyau de l’atome cible. Par exemple, pour l’atome d’oxygĂšne, l’énergie de liaison de la couche K est de l’ordre de 1 keV (1 000 Ă©lectronvolts)

    Si l'Ă©nergie du photon incident est infĂ©rieure Ă  l'Ă©nergie de liaison d’un Ă©lectron de la couche K mais supĂ©rieure Ă  l'Ă©nergie de liaison d’un Ă©lectron de la couche L, alors l'effet photoĂ©lectrique se produit avec un Ă©lectron de la couche L.

    Dans l’exemple donnĂ© ci-dessous, un atome d’aluminium absorbe un photon gamma (Îł). Un Ă©lectron de la couche K se trouve Ă©jectĂ©.
    shema d'un atome d'argent irradié par un photon
    Cet atome qui vient de perdre un Ă©lectron se trouve excitĂ© et trĂšs instable. Pour combler cette lacune, une rĂ©organisation du cortĂšge Ă©lectronique va avoir lieu. Un Ă©lectron d’une couche plus externe (L dans notre exemple) va alors occuper la lacune laissĂ©e par l’électron Ă©jectĂ© (couche K). Lors de cette transition, un photon de fluorescence (X) ou un autre Ă©lectron encore plus pĂ©riphĂ©rique (Ă©lectron Auger) peuvent ĂȘtre Ă©mis.

    L’effet Compton

    Un photon incident interagit encore ici avec un électron, mais cet électron a une énergie de liaison beaucoup faible que celui impliqué dans l'effet photoélectrique.

    L’effet Compton se caractĂ©rise par l’éjection d’un Ă©lectron associĂ© Ă  l’émission d’un photon (photon diffusĂ©) suivant une direction dĂ©fini par un angle particulier.
    l'effet campton
    L’énergie du photon incident (EI) absorbĂ©e se rĂ©partit donc entre l'Ă©lectron Ă©jectĂ© (Ec) et le photon diffusĂ© (E).

    Lorsque l'énergie du photon incident augmente, l'énergie cinétique emportée par l'électron Compton devient de plus en plus importante par rapport à celle du photon diffusé.

    Remarque : L’effet photoĂ©lectrique et l’effet Compton conduisent tous deux Ă  un phĂ©nomĂšne d’ionisation. Cependant, l’effet Compton doit ĂȘtre maĂźtrisĂ© et limitĂ© pour Ă©viter des Ă©missions d’électrons dans des directions non souhaitĂ©es et dangereuses aussi bien pour les patients que pour le personnel mĂ©dical.

    â–șscĂ©narios envisagĂ©s lors d’une interaction « électron (particule) – matiĂšre (atome cible) »

    A la suite de collisions avec les atomes cibles du milieu traversĂ©, des Ă©lectrons dĂ©livrĂ©s lors d’une radiation de type ÎČ- interagissent avec les Ă©lectrons ou le noyau de ces atomes.

     interaction Ă©lectron – Ă©lectron :

    Deux cas de figure peuvent se présenter :

    • Si l'Ă©nergie cinĂ©tique transfĂ©rĂ©e par l'Ă©lectron incident (EI = 1/2mv2) est supĂ©rieure Ă  l'Ă©nergie de liaison EL d'un Ă©lectron de l'atome cible, (EI  EL), alors cet Ă©lectron sera expulsĂ© du cortĂšge Ă©lectronique et une ionisation de l’atome cible se produira.
    • Si l'Ă©nergie transfĂ©rĂ©e par l'Ă©lectron incident (Ec) est exactement Ă©gale Ă  la diffĂ©rence entre les Ă©nergies de liaison de deux couches Ă©lectroniques de l'atome cible (Ec = EL – EM), un Ă©lectron saute sur une couche pĂ©riphĂ©rique de niveau d’énergie infĂ©rieur. Il y a alors excitation de l’atome cible.

    Remarque : EL – EM correspond Ă  la diffĂ©rence des Ă©nergies de liaison entre les couches Ă©lectroniques L et M dans cet exemple.
    interaction electrons-electrons

     interaction Ă©lectron – noyau :

    Lorsque l’électron incident passe Ă  proximitĂ© d’un noyau, il subit un freinage liĂ©e Ă  une force d’attraction exercĂ©e par le noyau chargĂ© positivement. L’énergie cinĂ©tique perdue lors de ce freinage s’accompagne de l’émission de rayons X. Ce phĂ©nomĂšne peut ainsi se rĂ©pĂ©ter jusqu’à dissipation totale de l’énergie cinĂ©tique initiale.
    interaction electrons-noyeaux

    3) ConsĂ©quences des radiations sur deux molĂ©cules fondamentales prĂ©sentes dans toutes nos cellules : l’eau et l’ADN.

    â–ș L’ADN :

    Chaque brin d’ADN est composĂ© d’une suite de nuclĂ©otides comprenant chacun une base azotĂ©e (adĂ©nine, thymine, cytosine ou guanine), un sucre cyclique Ă  5 carbone et un groupement phosphate. En fonction de l’énergie transmise, une irradiation peut engendrer tout d’abord des ruptures de liaison. Ce qui peut entraĂźner des cassures des brins d’ADN ou la perte de bases azotĂ©es. D’autre part, une irradiation peut crĂ©er de nouvelles liaisons. Ainsi, une base peut s’associer Ă  une nouvelle molĂ©cule ou Ă  une autre base. On parle alors de pontage.
    consequence radiation-adn
    Le nombre et le type de lĂ©sions dĂ©pendent de l’énergie dĂ©posĂ©e dans les tissus par les rayons ionisants. En radiothĂ©rapie, la « dose de rayonnement »  reçue s’exprime en « grays » (Gy). Un gray correspond Ă  une Ă©nergie de 1 joule absorbĂ©e par 1 kilogramme de matiĂšre.

    D’aprĂšs les informations publiĂ©es sur le site de la facultĂ© de mĂ©decine de Montpellier, une dose de 1 Gy reçue au sein de l’ADN d’une cellule entraĂźne :

    • 40 lĂ©sions « double brin » (ruptures des deux chaĂźnes de l’ADN) ;
    • de 500 Ă  1 000 lĂ©sions « simple brin » (ruptures d’une seule chaĂźne) ;
    • de 1 000 Ă  2 000 lĂ©sions de bases azotĂ©es ;
    • et environ 200 pontages (ADN-ADN ou ADN-protĂ©ine).

    • â–ș La radiolyse de l'eau :

      L’essentiel de la matiĂšre biologique est reprĂ©sentĂ© par l’eau (70% de la masse du corps d’un adulte). Sous l’effet des rayonnements ionisants, la molĂ©cule d’eau se dissocie en moins de 10-12 s pour former des radicaux libres. On parle alors de radiolyse.

      Un radical libre est une espĂšce chimique (atome, molĂ©cule, fragment de molĂ©cule) comportant un ou plusieurs Ă©lectrons non appariĂ©s sur sa couche externe. La rĂšgle de l’octet n’est alors pas respectĂ©e. La prĂ©sence d’électron(s) cĂ©libataire(s) confĂšre Ă  ces espĂšces chimiques une grande instabilitĂ© et donc une haute rĂ©activitĂ© avec d’autres molĂ©cules le plus souvent non spĂ©cifiques.

      Ces radicaux libres tendent Ă  capturer un Ă©lectron afin de restabiliser leur cortĂšge Ă©lectronique en un temps trĂšs court.

      Suivant l’énergie transfĂ©rĂ©e par les radiations aux molĂ©cules d’eau, on peut assister à :

      • une ionisation :
      • Si l’énergie apportĂ©e par une radiation est supĂ©rieure Ă  5,16 eV (Ă©nergie de la liaison H-OH), alors la molĂ©cule d’eau se dissocie.
        H2O rayonnement HO + H (dissociation en radicaux libres)
        consequence radicaux libres
        H2O rayonnement e- + H2O+ (dissociation ionique) HO- + H+
        consequence radicaux libresd'autre equations

        Ces espĂšces sont toxiques non seulement parce qu’elles sont hautement rĂ©actives (radicaux libres) mais aussi parce qu’elles sont oxydantes (peroxyde d’hydrogĂšne).
      • une excitation
      • Si l’énergie apportĂ©e par une radiation ne dĂ©passe pas l’énergie de liaison, la molĂ©cule d’eau se trouve excitĂ©e. Un ou plusieurs Ă©lectrons se trouvent Ă  des niveaux d’énergie plus Ă©levĂ©s que l’état fondamental.

        H2O rayonnement H2O* (molĂ©cule d’eau excitĂ©e)

        4) Effets biologiques des rayonnements ionisants

        La radiolyse est un facteur destructeur du fonctionnement cellulaire, car la plupart des processus du vivant dĂ©pendent de l’eau ou impliquent la participation de molĂ©cules d’eau. La radiolyse de l’eau va entraĂźner la formation de nombreux radicaux libres qui vont hautement rĂ©agir avec les lipides, les protĂ©ines, l’ADN
 des cellules. Ces rĂ©actions vont donc modifier les propriĂ©tĂ©s des molĂ©cules engagĂ©es dans ces rĂ©actions. La structure et le mĂ©tabolisme cellulaire vont alors ĂȘtre fortement impactĂ©s.
        Ce premier phĂ©nomĂšne est amplifiĂ© par les lĂ©sions subies directement par l’ADN lors de son irradiation. Si la cellule ne rĂ©pare pas ces altĂ©rations, la succession des nuclĂ©otides et la structure en double hĂ©lice de l’ADN se trouvent alors modifiĂ©es. Des mutations surviennent. La lecture et l’expression du code gĂ©nĂ©tique sont alors perturbĂ©es ou bloquĂ©es. Ce qui conduit le plus souvent Ă  l’activation de gĂšnes impliquĂ©s dans le phĂ©nomĂšne d’apoptose (mort cellulaire programmĂ©e).

        Le schĂ©ma suivant permet de rĂ©sumer schĂ©matiquement ces deux modes d’action associĂ©s :
        shéma des effet biologique des rayonnements ionisants
        C'est précisément grùce à ces propriétés que les rayonnements ionisants sont utilisés pour détruire les cellules cancéreuses.

        Remarque : La radiothérapie produit des effets biologiques aussi bien sur les tissus sains que tumoraux. La capacité de réparation de ces lésions est plus importante pour les premiers que pour les seconds. L'efficacité de la radiothérapie est donc basée sur cet effet différentiel.

        5) Des effets biologiques différents suivant le type de rayonnement

        Au sein des tissus vivants, le parcours des rayonnements ionisants varie suivant le type et l’énergie des radiations Ă©mises.

        Les particules (α, Ă©lectrons
) sont freinĂ©es Ă  chaque collision. Quand la particule devient lente en fin de parcours, elle passe davantage de temps pour traverser un atome. Elle a donc plus de chances d'interagir et de l’ioniser Ă  ce moment-lĂ . L’ionisation des tissus devient donc plus intense Ă  la fin du trajet de ces particules.

        En revanche, les photons (X, γ
) vont avoir des parcours plus longs et plus pĂ©nĂ©trants. En effet, ils n’ont ni masse ni charge. Ils ne subiront donc pas de freinage mais des absorptions successives. L’ionisation des tissus s’étalera donc plus rĂ©guliĂšrement sur le parcours.

        Alpha αElectron ÎČ-XGamma Îł
        Charge Ă©lectrique+ 2- 1neutreneutre
        Parcours dans les tissus vivants50 ”m5 mm> 30 cm> 50 cm
        shéma des effets de mutations par rapport au types shéma des effet de mutations par rapport au types

        Ces deux derniers schĂ©mas confirment que le nombre et la rĂ©partition des ionisations au sein des cellules varient suivant la nature et l’énergie des radiations. Par exemple, sur un parcours de 1 ”m dans un tissu vivant, une particule alpha de 5 MeV va provoquer 3300 ionisations, un Ă©lectron de 1 MeV va provoquer 10 ionisations tandis que des rayons X et gamma ne vont crĂ©er que quelques ionisations.